La protection de vos rêves.
Trouvé dans les archives de la Vienne par un lecteur de ce site, voici une copie d’un journal local « Les affiches du Poitou » qui, dans son édition du 3 avril 1777 au 26 juin 1777, fait part, via un secrétaire de Louis XV, des problèmes liés aux punaises de lit !
On y trouve même une proposition de traitement : feuille de haricots, consoude, colle de farine et papier ! A essayer, parmi d’autres traitements contre la punaise de lit ? En 2013, des chercheurs américains ont de nouveau évoqué cette méthode, présente dans les Balkans comme un axe de recherche dans la lutte contre les punaises. Visiblement, cette solution était bien répandue et l’on ne fait que les redécouvrir !
Le script complet se trouve ci-dessous.
Lettre de M. de Scévole, Secrétaire du Roi, à Argenton en Berry, à M. Jouineau Desloges. Le 22 Février 1777
Si les punaises de lit ne s’atachoient qu’aux persones riches et aisées qui abondent en humeurs, qui ont toujours plus de sang qu’il ne leur en faut, et avec cela mille moyens d’echaper aux morsures de ces insectes ; je ne prendrois pas, Monsieur, la peine de vous indiquer un préservatif contre ce fléau ; mais quand je vois des laboureurs, des vignerons, qui excédés de travail, tourmentés pendant le jour par tant de causes qui accroissent à chaque instant leurs peines et leurs besoins, le sont encore pendant la nuit où leur someil leur seroit si nécessaire ; c’est alors que je prends la plume et que je désire d’être utile à ces malheureux.
Les moyens, Monsieur, que j’ai à vous proposer, sont simples et proportionés à la misère de ceux à qui je les offre. On sait que les mortaises des bois de lit et surtout les interstices qui se trouvent entre les planches, souvent mal jointes, qui en composent les dossiers, recèlent des milliers de punaises. On sait que c’est ordinairement du côté du chevet qu’elles viennent pour pomper le sang des personnes qui sont couchées dans les lits. On ne peut donc se délivrer d’ennemis aussi importuns qu’en leur coupant le chemin, et voici de quelle façon il faut s’y prendre.
Le soir et avant de se coucher, on applique des feuilles vertes de grande consoude ou de haricots sur le derrière du coussin, de manière que toutes ces feuilles se touchent immédiatement et garnissent ce coussin dans toute sa longueur. Les punaises, sortant de leur retraites pour se glisser dans l’intérieur du lit, ne peuvent le faire sans franchir auparavant l’espace intermédiaire qu’on a eu la précaution de tapisser de feuilles : mais comme ces feuilles ont leur surface hérissée de piquants très-déliés, les pieds de ces insectes s’y embarrassent, il ne leur est pas possible d’avancer ni de reculer, il faut absolument que tous ceux qui sont ainsi pris dans cette espèce de piège, y restent jusqu’au lendemain matin qu’on a le soin de ramasser le tout et de le jeter au feu.
Après qu’on a réitéré cela plusieurs fois, on ne doit pas encore se flatter d’être entièrement quitte et débarassé de ces animaux : car plusieurs milliers d’oeufs cachés dans des trous presque imperceptibles peuvent éclôre d’un jour à l’autre, de sorte qu’on seroit encore la proie de ces nouveles générations si on n’imaginoit pas quelqu’autre expédient pour s’en garantir. Le meilleur qu’on puisse employer, est d’avoir plusieurs feuilles de papier gris sur lesquelles on applique des deux côtés de la colle de farine avec un pinceau. Ce papier ainsi imbu de colle étant susceptible de toutes les formes qu’on voudra lui faire prendre, on l’introduira par petits rouleaux dans toutes les fentes et trous des bois de lit, ce qu’on poura faire avec la lame d’un couteau. Quant toutes ces fentes auront été exactement remplies, il ne s’agira plus que de coller sur chacune d’elle quelques bandes de papier ou de parchemin. Après cela on ne craindra plus les incursions de ces insectes, et ce qu’il y aura encore d’avantageux, c’est que les punaises qui seroient apportées d’ailleurs, ne pouront se nicher dans des chalits qui ne leur offriront aucune retraite.
Les enfans, comme ayant la peau extrêmement tendre, doivent être beaucoup plus tourmentés par cette vermine que les grandes persones ; Cependant, Monsieur, c’est dans les hameaux, c’est dans la chaumière du laboureur, du vigneron, du journalier qu’on transporte, qu’on dépose, qu’on abandonne au soins d’une nourrice mercenaire, tous ces enfans délicats qu’on a vu naître au milieu du luxe et de la pompe des villes. Le projet de délivrer les habitans de la campagne, des punaises qui se désaltèrent dans leur sang, s’étendra donc également sur les enfants des riches, qui déjà trop malheureux de se voir privés du lait et de l’assistance de leurs mères, n’en sont que plus dignes d’exciter notre pitié et de solliciter nos secours.
Affiches du Poitou, n° 14, du 3 avril 1777, page 53
Vous pouvez retrouver toutes les éditions sur le site des archives de la Vienne.